Victimes, donc Résistants ? – L’attaque du commissariat de police de Saint-Dié (25 janvier 1944) … dans les archives policières

 

Par Jean-Michel ADENOT.

D’incontestables victimes de la répression nazie font-elles d’authentiques résistants ? Cette question iconoclaste reste sans réponse, a minima pour ce qui concerne le chef d’un groupe de jeunes de 17 à 23ans qui firent irruption dans le commissariat de Saint-Dié (Vosges) le 25 janvier 1944 afin de s’emparer de titres d’alimentation. Une dizaine de jours plus tard, dix-huit suspects sont arrêtés par la police française. Remis aux Allemands, treize sont condamnés à mort par la Feldkommandantur 622 d’Epinal et fusillés le 27 avril 1944. Moins compromis, cinq autres sont déportés ; deux survivront.
Les motifs de ce coup de main relevaient-ils du marché noir comme l’a soutenu l’occupant ? D’anciens résistants dont le vétéran du maquis de la Piquante-Pierre René GRILLOT ou l’ex-instigateur de groupes de jeunes Déodatiens Jacques THOUVENOT ont dénoncé avec virulence l’expression « apprentis gangsters » employée par le graveur et historien local Albert OHL des MARAIS en 1947. Pourtant, le premier s’était illustré dans un autre secteur du massif vosgien et ne peut que prêter sa plume journalistique. Le second avait été arrêté bien avant l’opération. De retour de Bergen-Belsen, il se multiplie en attestations de patriotisme difficiles à étayer hormis sur la foi de son témoignage. Les anciens chefs survivants restent publiquement mutiques. En atteste l’hétérogénéité des homologations pour ces treize fusillés aux parcours comparables : six n’en obtiennent aucune, trois sont homologués FFI, deux DIR (déportés/internés de la résistance) et deux FFI + DIR. Robert DODIN, l’historien déodatien correspondant du comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale se limite à rapporter l’issue tragique et nous oriente vers un prudent statu quo.

Dans l’espace mémoriel, seul le nom de Jean DORNER figure sur une plaque à la rédaction équivoque, honorant pour le collège de Saint-Dié « ses morts de la Résistance ». Les autres victimes se répartissent entre des déportés politiques, raciaux (14 à 16 ans) ou du 8 novembre 1944, une rafle générale pour le travail forcé et non vers les camps. Victimes … donc Résistants ?
L’affaire se complique par la personnalité du commissaire de police de Saint-Dié, Pierre CHARLOT, résistant au double-jeu obligé et controversé, présent aussi bien en janvier 1944 que pour l’enquête républicaine de 1945. A défaut de pièces allemandes, ce sont les archives policières françaises qui documentent l’affaire. Interrogatoires, notes internes, rebondissements et rapports s’accumulent jusqu’à un procès caricatural en cour de justice. Les contradictions se multiplient entre les déclarations, les silences, et des procédures plus ou moins abouties.
Près de 80 ans après les faits, une appréciation nuancée peine à reconstituer les événements et montre surtout les soubresauts de l’écriture de l’histoire. Lire l’article entier et le télécharger => Affaire commissariat Saint-Dié

 

 

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