Laurent Joly ou l’esprit faux en histoire

Par René FIEVET

René Fiévet

Pour continuer le combat qu’il a déjà engagé contre le polémiste Éric Zemmour dans son précédent livre (L’Etat contre les juifs, Éditions Grasset & Fasquelle, 2018), l’historien Laurent Joly a choisi le genre pamphlétaire : un petit livre de 130 pages, écrit dans une optique bien précise. « Ce qui caractérise Zemmour, c’est l’usage abondant qu’il fait de l’histoire » (page 14), nous dit l’auteur, qui précise ainsi l’objet de son livre : « une telle prétention à dire le vrai au nom de l’histoire mérite donc un examen attentif » (page 17). Le titre même du livre (La falsification de l’histoire) nous indique d’emblée le résultat de son investigation.

A vrai dire, on connaît des défis plus difficiles à relever. Comme on le sait, la force du polémiste vient de ce qu’il est très argumenté, doté d’une vraie culture historique et de larges connaissances couvrant de nombreux domaines. Et sa grande culture générale lui permet d’assez bien les assimiler, et surtout de leur donner un sens. Il en a fait un système : à partir d’un fait historique (supposé exact et vérifié), statistique ou sociologique (supposé scientifiquement établi), il bâtit une généralité qu’il assène à ses interlocuteurs comme une vérité d’évidence. Bien entendu, comme toutes les généralités, celle-ci est partiellement vraie (et parfois largement fausse), mais comment le contredire, puisque tout son raisonnement repose sur des connaissances que ses interlocuteurs ont bien du mal à contester ?

Toutefois, face à un spécialiste comme Laurent Joly, on devine que ce sera une toute autre affaire, et que ce sera un jeu d’enfant pour l’historien de démontrer, s’il y a lieu, la supercherie ou la falsification dans le discours du polémiste devenu homme politique. On citera en exergue un court passage du livre qui permet de comprendre dans quel état d’esprit Laurent Joly a écrit ce livre : « la raison d’Etat primant sur tout, on comprend où le doctrinaire d’extrême droite veut en venir en réécrivant ainsi l’histoire de Vichy : à la justification de son projet politique xénophobe et antimusulman. Comme si cette projection obsessionnelle autorisait toutes les falsifications » (page 102).

Sur le premier point – le projet politique zemmourien -, Laurent Joly voit juste. A la fin de sa déclaration de candidature à la Présidence de la République au début du mois de décembre 2021, Éric Zemmour a lancé un inquiétant « Vive la République, et surtout vive la France », lourd de sens pour l’avenir : si c’est nécessaire, pour « sauver la France », on saura faire abstraction de (ou mettre entre parenthèses) nos grands principes républicains. Notre « survie » sera peut-être à ce prix, nous prévient-il. C’est la raison pour laquelle il prend exemple sur la période 1940-44, jusqu’à en faire une source d’inspiration pour l’avenir en matière de politique d’immigration. En historien, Laurent Joly déroule le fil de ce projet politique, en remontant aux origines intellectuelles venues de l’extrême droite française (chapitre 1 : Éric Zemmour est-il d’extrême droite ?), en revenant sur les grands débats historiographiques d’après-guerre (chapitre 2 : réécrire l’histoire de Vichy pour réunir les droites), sans oublier de défendre son pré-carré académique quand le polémiste s’en prend à sa propre discipline (chapitre 3 : le mythe de la doxa paxtonienne).

Mais qu’en est-il du second point, les falsifications historiques ? C’est le seul vrai sujet de son livre : identifier des falsifications dans le discours du polémiste est évidemment une façon de le décrédibiliser au plan politique. Il convient ici de distinguer l’essentiel de l’accessoire. => Lire l’article entier et le télécharger :    Fiévet_R_Laurent Joly_LaFalsificationdeL’histoire

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