Un documentaire à voir : “Paris occupé, l’infiltration nazie”… et un livre à lire : “Un espion nazi à Paris”, d’Olivier Pigoreau

Capture d’écran

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Le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris, marquant le début de l’occupation de la France. Le drapeau tricolore est remplacé par la croix gammée sur la tour Eiffel. Paris devient un enjeu majeur de la propagande nazie. Quelles formes à pris cette sujétion ? Comment s’est organisé la prise en main de toutes les institutions et organisations par les agents du pouvoir allemand ? Car tous les milieux, artistiques, culturels, politiques, diplomatiques, religieux ou ouvriers ont été infiltrés par les nazis et leur idéologie.

Commentaire par Jean-Michel ADENOT, suivi d’une interview d’Olivier PIGOREAU, auteur du livre “Un espion nazi à Paris”, autour duquel s’articule le documentaire

Je vous propose de visionner ce très intéressant documentaire d’Isabelle GENDRE réalisé pour France Télévision. Vous y retrouverez tout d’abord quelques historiennes qui ont sérieusement renouvelé notre vision de la période. Je pense notamment à Barbara LAMBAUER, Gael EISMANN et Alya AGLAN. Ainsi que d’autres. Bien entendu la gent masculine n’est pas en reste, mais le déroulé du documentaire n’explique pas la raison de l’intervention de notre adhérent HSCO et ami Olivier PIGOREAU, par ailleurs excellent introducteur !

En effet, il est indiqué rapidement que le documentaire s’articule autour du rapport d’un ancien SS, Roland NOSEK. Son parcours aurait mérité une meilleure présentation. Les images proposées -toujours très esthétiques- s’attardent davantage sur les étapes archi-connues de l’Occupation que sur ledit rapport, rédigé alors que les cendres de la collaboration étaient encore rougeoyantes. C’est le grand mérite d’Olivier PIGOREAU d’avoir exhumé et commenté ce document, conservé « dans son jus » au SHD Vincennes. Loin d’être une étude de texte aride, l’ouvrage d’Olivier aurait mérité d’être salué … et suivi d’autres études tant la veine me semble féconde.

L’occasion était trop belle ; nous avons profité de l’occasion pour questionner l’auteur … du livre !

J-M. ADENOT : Olivier, peux-tu nous préciser dans quelles circonstances tu as déniché ce texte ?

O. PIGOREAU : En travaillant sur l’activité clandestine du PPF de DORIOT pendant l’Occupation à laquelle NOSEK était étroitement associé. Mais NOSEK, je l’avais “croisé” très jeune, dans le livre de l’ancien chef du contre-espionnage, le colonel PAILLOLE, mon premier “livre d’histoire”, que l’auteur avait offert à mon père.

J-M. ADENOT : Comment situer le sous-lieutenant SS Roland NOSEK dans la galaxie des organisations allemandes du Paris occupé ?

O. PIGOREAU : Pour faire simple, disons qu’il est sans doute un des rares officiers SS qui ne se préoccupe pas de répression policière.

J-M. ADENOT : Peux-tu évoquer ses attributions et les principales affaires dans lesquelles il a été impliqué ?

O. PIGOREAU : NOSEK est, au début de l’Occupation, le chef du service de renseignement politique extérieur, le SD-Ausland en France. Il perdra ce statut par la suite, remplacé par HAGEN, le bras droit de KNOCHEN, puis par le Mosellan BICKLER, non pas parce qu’il a démérité mais parce que KNOCHEN le voit comme une menace et s’emploie à empêcher son ascension. Avec d’autant plus de facilité que NOSEK perd son protecteur, le Dr THOMAS, premier chef de la Sipo et du SD en France, fin 1941, suite au scandale provoqué par le plasticage des synagogues parisiennes par des partisans de DELONCLE équipés en explosifs par les SS. Relevant du domaine de l’espionnage, les affaires dans lesquelles il joue un rôle sont généralement peu connues. Il s’agit des opérations d’infiltration d’agents en AFN après le débarquement allié de novembre 1942, de l’utilisation du PPF de DORIOT et d’un proche de celui-ci, Jean LE CAN, pour recueillir des renseignements, avec plus ou moins de succès, de la constitution d’un réseau d’agents “dormants” pour le cas où le territoire français serait perdu ou encore des parachutages de militants collaborationnistes dans la France libérée pour y implanter un mouvement de “résistance” pro-allemand.

J-M. ADENOT : Pour toi, en quoi ce témoignage apporte-t-il une vision nouvelle de l’occupation ? Quelles lectures pourrais-tu nous conseiller (ou nous déconseiller) en la matière ?

O.PIGOREAU : Je ne pense pas que le rapport NOSEK puisse bouleverser la vision que nous pouvons avoir de l’Occupation. Chacun peut y puiser des choses différentes en fonction de ses centres d’intérêt. Pour ma part, j’en retiens deux choses. Premièrement : l’amateurisme du SD, qui est avec l’Abwehr l’un des deux services de renseignement de l’Allemagne nazie, puis le seul, l’Abwehr ayant été démembré et absorbé par le SD, justement, et la Gespato en 1944. En second lieu : la complexité d’une organisation, la SS, qui apparaît profondément divisée et peuplée de gens qui, pour certains, sont tout à fait prêts à sacrifier Hitler pour sauver les meubles lorsque le vent tourne en faveur des Alliés. Pour les lectures, les historiennes qui interviennent dans le film, celles que tu as citées, ont écrit des choses intéressantes. Et puis évidemment, Jean-Marc BERLIERE ! Pour le reste, esprit de Noël oblige, je ne dirai du mal de personne.

J-M. ADENOT : L’exemple de ce rapport devrait inciter les historiens à investiguer aux archives (a priori ouvertes …) et de nourrir leurs analyses de nouvelles références. Peux-tu nous indiquer les références du « filon » dans lequel tu as puisé ?

O. PIGOREAU : Le fonds privé du colonel PAILLOLE, qui n’est pas librement accessible mais qui est effectivement un véritable filon pour les chercheurs qui veulent se donner la peine de remplir les démarches nécessaires pour le consulter, au SHD de Vincennes.

Le livre Un espion nazi à Paris, Interrogatoire du SS Roland Nosek, présenté et annoté par Olivier PIGOREAU, peut être commandé chez votre libraire, ou ici : https://www.decitre.fr/livres/un-espion-nazi-a-paris-9782352503576.html

 

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