Nouveau roman national et angles morts de la mémoire

Par Emmanuel de Chambost (Février 2022).

E. de Chambost

Automne 2021 : la grande chasse au Zemmour

       La séquence de l’automne 2021 où l’on a vu pléthore d’historiens se répandre dans les media sous le prétexte de contrer le candidat Zemmour et réfuter ses propositions touchant à l’histoire laisse perplexe. J’ai relevé un certain nombre d’écarts vis-à-vis de la vérité historique, d’approximations, d’ambiguïtés ou de déclarations péremptoires mais inexactes1. L’exemple le plus révélateur est celui d’Olivier Wieviorka qui répond « Oui, c’est historiquement faux » à la question «Zemmour manipule l’histoire lorsqu’il dit « Vichy a donné les juifs étrangers et protégé les Juifs français » ? … C’est historiquement faux ?» alors que le même Olivier Wieviorka a cosigné, avec Azéma, des propos identiques à ceux qui sont reprochés à Zemmour «… Menant une politique antisémite propre, Vichy, pour sauver les ressortissants français, sacrifie froidement étrangers et apatrides..» (Vichy 1940-1944, diverses éditions de 1997 à 2004).

Histoire ou Mémoire ?

       Pourquoi un raccourci qui semblait couler de source en 2004 est-il devenu inacceptable en 2021 ? Au cours de ces vingt dernières années, aucune nouvelle connaissance historique n’est pourtant venue modifier la perception que l’on a de l’implication de Vichy dans la déportation des Juifs. Tout au long de cet automne 2021, historiens et journalistes ont brandi comme un document décisif le fameux exemplaire du statut des Juifs de 1940 annoté de la main de Pétain et découvert en 2010. On ne voit pas très bien en quoi un document d’octobre 1940 aurait pu apporter des lumières sur la mise en œuvre de la Shoah en 1942, mais surtout, ce document n’apportait rien de neuf, il était déjà établi, depuis 1947, que Pétain avait personnellement durci le projet de statut des Juifs.

       En dépit de la mobilisation de tant d’historiens, le tumulte créé autour de Zemmour et de ses positions sur Vichy n’avait sans doute rien à faire avec l’Histoire et relevait vraisemblablement du seul champ mémoriel. En 2015, au sein de la population française, la part de ceux qui étaient âgés d’au moins quinze ans en 1945 n’étaient plus que de 3,5 %. Les baby-boomers encore nombreux avaient pu être imprégnés des souvenirs de leurs parents, mais la moitié de la population, née après 1973, représentait des enfants ou petits-enfants des baby-boomers. En 2022 plus encore qu’en 2015, on peut considérer que la Mémoire des évènements de 1939-45 est devenue autonome, sans enracinement dans la réalité.

       Plus le temps passe, plus la réalité historique s’amenuise par un simple effet de perspective. Typiquement pour un lycéen de Terminale à qui l’on enseigne l’histoire contemporaine, l’époque de la Seconde Guerre mondiale ne va concerner qu’un seul des onze chapitres qui couvrent les cent dernières années. Cet effet de perspective est général et s’applique à n’importe quelle période. La Mémoire, par contre, évolue de façon autonome, si bien que telle période peut sombrer dans l’oubli alors qu’une autre survivra par le biais d’une production littéraire ou télévisuelle, de monuments et de commémorations. Il existe en effet une mémoire nationale officielle concrétisée par des commémorations nationales. De ce point de vue, la période de la Seconde Guerre mondiale est très prégnante dans le calendrier des fêtes nationales et patriotiques où l’on relève pas moins de 6 journées en relation directe avec la période => Lire l’article entier et le télécharger en PDF : roman_national_angles_morts_v3

1Voir sur le site d’Emmanuel de Chambost : Vichy, Zemmour, Joly, saison 2021, où l’on resserre les boulons du dogme paxtonien, 2011

http://siteedc.edechambost.net/Paxton/Joly_Wieviorka_Semelin_Media_2021.html

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1 réponse à Nouveau roman national et angles morts de la mémoire

  1. Michel Bergès dit :

    Votre enquête s’avère SALUTAIRE concernant les cas de « militants de la mémoire » qui, de par leur incompétence et déformations, « oublient » la déontologie de l’histoire scientifique, sous couvert de visées politiciennes (sous les quinquennats de 1981 à 2022).
    Le travail notamment d’Alain Michel (qui a soutenu une thèse d’histoire sous la direction d’Antoine Prost) permet de redresser des données importantes.
    Mais là, les rapports problématiques des « chasseurs de bourreaux » Klarsfeld, avec la justice, les professions d’avocat ou d’historien et le monde politicien interne et externe, mériteraient d’être approfondis, pour aller plus loin encore en termes d’objectivité.

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