Par Jean-Marc BERLIERE
Aujourd’hui, l’accès aux archives publiques de la Seconde Guerre mondiale a été très largement autorisé par un arrêté du 24 décembre 2015. Leur utilisation tend à se généraliser. Nous proposons à la lecture cet article de Jean-Marc BERLIERE, paru dans la revue Le Débat, N° 115, en 2001, qui présente les précautions à prendre pour faire bon usage de ce type de documents.
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Le travail scientifique de l’historien
Notre association HSCO, qui voit dans l’utilisation judicieuse de ces archives le premier pas d’un travail scientifique sur la période de l’Occupation, est très sensible au souci de ne pas les sacraliser.
Si la vérité des événements passés y trouvera le plus souvent des éclairages indispensables, il ne faut pas oublier que les archives livrent aussi ragots, arrangements ou mensonges de la période. C’est finalement un écheveau que le travail de l’historien devra savoir démêler.
Ecrit longtemps avant l’arrêté de 2015, alors que le débat portait surtout sur l’utilisation des archives en provenance des pays sortant du communisme, on verra comment la libéralisation attendue du système français était alors saisie avec infiniment de précautions.
L’article constitue ainsi une utile piqûre de rappel afin que les recherches soient menées avec méthode, esprit critique, éthique… et beaucoup de travail.
Gérard Soufflet
DES ARCHIVES POUR QUI, ET POUR QUOI FAIRE ?
La responsabilité de l’historien
« De la compétence historique, de sa nécessité et de la difficulté à la définir et à la mesurer »
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Le métier d’historien
« L’ouverture » massive d’archives nouvelles, qu’elles soient de l’Est, de Moscou ou du 17 octobre 1961, a suscité ces dernières années dans le grand public – mais pas seulement – mirages et vertiges néopositivistes. Depuis, les publications se sont multipliées qui, s’appuyant sur des archives inédites, mais souvent hâtivement exploitées, revisitent certains épisodes de façon polémique, apportant « révélations » et « affaires » dont les médias se font largement l’écho. Ce phénomène a pour résultat de conforter les fantasmes qui ont cours sur « la vérité » ou « l’aveu » des archives.
Rappelons qu’en dépit de sa sacralisation actuelle « l’archive » ne dit rien ou n’importe quoi, et que si « un trésor est caché dedans », c’est, à l’image de la morale d’une fable de La Fontaine, par un travail long et patient, qu’on peut le mettre au jour. Si « vérité » il y a dans les archives, c’est le travail de l’historien de l’en extraire, à l’aide d’une méthode et avec un savoir-faire qui constituent tout son « art » en même temps que la spécificité de la « science historique ».
Le « métier d’historien » nécessite une compétence, des techniques, des savoir-faire qui ne sont pas innés, mais qui, au même titre que la plomberie ou la mécanique, imposent un long apprentissage et pas mal d’humilité. Or le succès et le goût universel de l’histoire ont eu cette conséquence inattendue que quiconque ayant le « goût de l’archive », un « devoir de mémoire », la curiosité du passé, se sent, se dit historien.
Rien n’est plus illusoire et dangereux. Lire la suite => JM BERLIERE Les archives et l’historien 2001
De Jean-Marc BERLIERE, dernier ouvrage paru : Polices dans la France des temps noirs 1939-1945, Ed. Perrin, 2018