Été 1945, des prisonniers de guerre allemands (PGA) assassinés

Source Nara – prisonniers allemands – photo recadrée.

Par J. ALBERT, J. PIRONDEAU et L. RICHARD

     Notre enquête de terrain sur le parachutage d’armes du 4 janvier 1944 à la limite des communes de Berthegon et d’Orches, les arrestations qui ont suivi et la suite judiciaire à la Libération1 nous a révélé des faits gardés dans le secret de familles ou de villages : l’assassinat en juin et juillet 1945 de dix-huit prisonniers allemands sur les communes voisines de Saint-Genest-d’Ambière, Saint-Christophe et Sossais.

Le contexte : Les prisonniers de 1940, les déportés et les travailleurs du STO (Service du Travail Obligatoire) ne reviennent au pays qu’à partir de mai 1945. Lors de la Libération, pendant l’été 1944, de nombreux soldats allemands, de la Wehrmacht ou des Waffen SS, sont faits prisonniers. Dans la Vienne, ils sont regroupés au dépôt 91 de la Chauvinerie, à Poitiers. Ce camp de prisonniers allemands met à la disposition des agriculteurs qui en font la demande des hommes pour aider aux travaux des champs. Se constituent ainsi des commandos de travail dans le département dans des lieux où sont rassemblés ces hommes (10 à 20 en général). Ils dorment dans un local dédié, rejoignent le matin la ferme qui les emploie et reviennent le soir. Un civil assure la surveillance et ferme à clé chaque soir le dortoir. Parfois, les conditions de gardiennage s’assouplissent. Ces prisonniers sont censés ne pas se déplacer seuls. Mais la distance entre leur local et la ferme, parfois de plusieurs kilomètres, source de perte de temps chaque matin et chaque soir, amène certains fermiers à les héberger chez eux. Ce qui, en passant, semble être un signe de relations humaines apaisées entre Allemands et Français alors que la guerre n’est qu’en voie de se terminer.

Une évasion collective à Saint-Genest.

Le 26 juin 1945, la brigade de Lencloître établit un procès-verbal constatant l’évasion de 12 PGA (prisonniers de guerre allemands) affectés au commando de Saint-Genest. Albert Charron, huissier mobilisé, chargé de sa garde, témoigne des faits suivants : Dans la nuit du 23 au 24 juin, nuit de la Saint-Jean célébrée par des rassemblements et des feux de joie dans les villages, il rejoint le dortoir à 1 h 15, et constate qu’il n’y a rien d’anormal avant de fermer la porte à clé et de barricader les volets de la fenêtre avec une planche. À son lever à 5 h 45, il remarque la fenêtre ouverte et la porte entrebâillée. Les prisonniers étaient disparus laissant leur paquetage dans le plus grand désordre. Il précise que les volets et la serrure sont en très mauvais état et que les prisonniers ont l’habitude de se rendre seuls dans les fermes parfois distantes de 4 kilomètres. Charron se rend alors dans ces fermes dans l’espoir d’y retrouver les PGA. Mais ceux-ci n’ont pas rejoint les fermes. Charron informe le dépôt 91, puis la gendarmerie de leur disparition. Une évasion collective est alors évoquée.

Dans le même P., deux témoins, Raymond Bertin et Émile Bonnin, affirment avoir vu cette nuit-là deux hommes, inconnus d’eux, rôder autour du dortoir : un civil et un autre en tenue militaire avec casque et mitraillette. Ils étaient arrêtés devant le commando. (…) Ils semblaient surveiller quelque chose.

Un massacre à Saint-Christophe.

Le capitaine Baustert, chef de la gendarmerie de Châtellerault, signale aux autorités locales et départementales : Le 17 juillet 1945, vers 3 heures, à Saint-Christophe (Vienne), des inconnus ont exécuté sommairement un groupe de 6 prisonniers militaires allemands, détachés en Commando pour les travaux de la culture. Après avoir lancé de l’extérieur par la fenêtre une grenade dans le local isolé où les prisonniers passaient habituellement la nuit, les agresseurs enfoncèrent la porte, pénétrèrent dans la pièce et achevèrent tous les blessés à coup de mitraillette.

Il conclut : Cette exécution sommaire a suscité une certaine émotion parmi la population rurale de la région qui emploie avec satisfaction la main d’œuvre allemande.

Les 12 PGA de Saint-Genest retrouvés massacrés.

Le 20 juillet, la compagnie de gendarmerie de Châtellerault confirme un précédent message téléphonique: Plusieurs cadavres en putréfaction viennent d’être découverts à Bourg-Joly, commune de Sossais, dans une carrière abandonnée. Il semble qu’il s’agit des 12 prisonniers allemands disparus dans la nuit du 23 au 24 juin 1945 du Kommando (sic) de St-Genest2.

Que dit la presse ?

Le Libre Poitou du 19 juillet relate l’attaque de Saint-Christophe : Six prisonniers allemands tués par une grenade. Les faits sont rapportés, ajoutant même que le gardien est un prisonnier => Lire la suite et télécharger gratuitement l’article entier en pdf : Eté 1945 Des PGA assassinés Pirondeau-Albert-Richard Vdef-carte

Jacques Pirondeau, Jacques Albert et Loïc Richard.

Jacques PIRONDEAU, retraité de l’Éducation nationale, membre des associations ERIL, Etudes sur la Résistance en Indre-et-Loire) HSCO et VRID,(Vienne, Résistance, Internement, Déportation), publie depuis une quinzaine d’années des articles sur la Seconde guerre mondiale dans la revue « Résistance en Touraine et région Centre ». Il a publié, entre autres, avec Jacques ALBERT La Seconde Guerre mondiale dans le Loudunais, Volumes 1, 2 et 3, La Geste Editions, 2023.

Jacques ALBERT, lui aussi retraité de l’éduction nationale, collecte depuis plus de 30 ans témoignages et documents variés sur la région de Loudun pendant la Seconde Guerre mondiale. Membre du VRID et auteur de plusieurs ouvrages sur cette période dans le Loudunais, il amine également de nombreuses causeries.

Loïc RICHARD : actif dans la fonction hospitalière, il est membre de l’association VRID (Vienne Résistance Internement Déportation) et membre de l’association animatrice du Musée de la Seconde Guerre mondiale à Tercé (Vienne).

 

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