La chaîne d’évasion du colonel Moréteaux, et autres passeurs…

 

La chaîne d’évasion du colonel Moréteaux et autres passeurs, Chevalier, Rebillard, …,

un livre de Roland Tatreaux, membre de HSCO,

(édité par le comité local ANACR de Chalon-sur-Saône et Chagny réunis).

Par Gérard Soufflet.

Roland Tatreaux est un employé retraité d’Alstom et Areva de Chalon-sur-Saône, puis Mâcon (Saône-et-Loire). Secrétaire du comité ANACR de Chalon-Chagny, il est aussi membre de HSCO et a déjà publié plusieurs ouvrages : une biographie de Hans Krüger, le chef de la Sipo-SD de Chalon (2012) et un « chemin de mémoire » consacré aux communes environnant Chalon-sur-Saône (2014) où, lors de leur abandon de la ville début septembre 1944, les Allemands fusillèrent les résistants détenus dans la prison locale.

Avec ce nouvel ouvrage, c’est aux passeurs de la ligne de démarcation que Roland Tatreaux a voulu rendre hommage, « ces résistants de la première heure, malheureusement et injustement souvent non reconnus, ni honorés à leur juste valeur et à la hauteur de leurs sacrifices » dira-t-il lors de la présentation  de son ouvrage à la mairie de Chalon, le 5 septembre dernier.

Placée sur le grand axe nord-sud que suivent la RN 6 et la voie de chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée, la région Chagny-Chalon était un  lieu-frontière de la ligne de démarcation, très fréquenté, où des masses de fuyards venant de la zone occupée tentaient leur chance, et se faisaient bien souvent arrêter par les douaniers. Les passeurs, aux motifs vénaux ou solidaires, y abondaient. Parmi ces derniers le colonel Moréteaux a laissé le souvenir d’avoir dirigé une véritable filière qui conduisait les candidats au passage depuis Chagny (zone occupée) à Marcilly-les-Buxy (zone libre). Ceux-ci étaient récupérés à Chagny, soit dans les cafés de la ville où ils erraient, soit à la gare où des cheminots complices les invitaient à descendre du train avant d’atteindre l’arrêt de Chalon totalement contrôlé par les Allemands. D’étape en étape, ravitaillés, hébergés, ils allaient suivre à distance cette côte châlonnaise dont les villages portent les noms bien connus de Mercurey, Givry, Moroges, Buxy. Alsaciens et Mosellans qui fuyaient leur région, menacés qu’ils étaient d’être incorporés de force dans la Wehrmacht, prisonniers de guerre évadés qui voulaient se faire démobiliser, Juifs qui tentaient d’échapper à l’oppression nazie, volontaires qui cherchaient à gagner l’Angleterre, ils furent des centaines à emprunter la « chaîne du colonel Moréteaux ».

Héros de la Grande Guerre, devenu notable terrien, à la tête d’un domaine de 60 hectares situé à Chassey, près de Chagny, Joachim Moréteaux avait 73 ans en 1940, quand il rassembla les gens de confiance qui allaient former cette « chaîne ». Il y voyait un moyen à sa portée de servir encore le pays après la défaite. Arrêté par les Allemands le 24 mars 1942, jugé et condamné à mort avec deux de ses camarades, le 1er octobre 1942, par le tribunal de la Feldkommandantur 669 à Dijon, le vieux colonel sera fusillé le 11 février 1943 sur le stand de tir de Francfort-sur-Oder.

Le travail de Roland Tatreaux pour retracer cette histoire s’apparente à un travail de fourmi. Un seul témoin direct restant en vie, c’est dans les archives qu’il va trouver l’essentiel de la matière (2500 fichiers consultés, dont une centaine en allemand : SHD à Vincennes et à Caen, archives de la Justice Militaire au Blanc, archives nationales, archives départementales de la Côte d’Or à Dijon, de l’Oise à Beauvais et de la Saône-et-Loire à Mâcon).  Lors de la présentation de l’ouvrage à Chalon-sur-Saône, Simone Mariotte, la présidente départementale de l’ANACR  conclura son intervention en soulignant que « la perpétuation de l’histoire de la Résistance, faute de témoins, ne saurait désormais reposer que sur la recherche et l’écriture d’ouvrages historiques ».

Le contenu est passionnant, car il ne se contente pas de retracer biographies et insertion sociale de nombreux membres de la « chaîne », il détaille aussi avec précision trois phases de cette histoire :

1/ celle des arrestations de mars 1942,

2/ celle du procès allemand et des péripéties qui l’ont accompagné ; on y découvre certaines arcanes de la justice militaire allemande ; ainsi un accusé échappera à la mort car il était lui-même évadé d’un camp de prisonniers et que « l’aide apportée à d’autres prisonniers de guerre par un prisonnier de guerre n’est juridiquement pas condamnable ».

3/ celle des lendemains de la Libération, où la tenancière d’un café de Chagny est accusée d’être à l’origine de l’arrestation du colonel Moréteaux : déchaînement indigne des premiers jours, puis instruction et tenue du procès par la Cour de justice, le 23 janvier 1946. L’accusation était si fragile que le verdict se limita à 5 ans de prison ! A travers cette petite affaire locale, Roland Tatreaux décortique avec précision l’ambiance et les ressorts de cette sombre  période.

Gérard Soufflet

Pour se procurer cet ouvrage (120 p. Ft A4), le commander à ANACR de Saône-et-Loire, 78 rue des Epinoches, 71 000 Mâcon en joignant un chèque de 20 € à l’ordre de ANACR 71 (qui comprend le port).

Roland Tatreaux entre Simone Mariotte, présidente ANACR 71, et Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône.

Ce contenu a été publié dans Publications / Conférences / Média, Résistance / Maquis. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.