Alain Michel vs Laurent Joly, à propos de “L’Etat contre les juifs”

Par Emmanuel de Chambost

L'Etat contre les Juifs - L. JOLY couverture

 

Notre ami Alain Michel vient de publier une recension du dernier livre de Laurent Joly, L’État contre les juifs, sur le site www.herodote.net, qui publie également la réponse de Laurent Joly.

https://www.herodote.net/L_etat_contre_les_juifs-bibliographie-632.php

Il convient de rappeler que le débat entre les deux historiens ne date pas d’aujourd’hui :

Dans l’introduction de son livre publié en 2012, Vichy et la Shoah, Alain Michel résumait son ouvrage par la vieille citation de Hilberg : « Quand la pression allemande s’intensifia en 1942, le gouvernement de Vichy se retrancha derrière une seconde ligne de défense. Les juifs étrangers et les immigrés furent abandonnés à leur sort, et l’on s’efforça de protéger les juifs nationaux. Dans une certaine mesure, cette stratégie réussit. En renonçant à épargner une fraction, on sauva une grande partie de la totalité ». Et Michel d’épingler un certain nombre d’auteurs, parmi lesquels Joly pour cause de klarsfeldo-paxtonisme avéré.

Pour Alain Michel, il était révélateur que le titre du livre que Laurent Joly avait publié en 2006 s’intitulât Vichy dans la solution finale alors que le livre traitait du commissariat aux général aux questions juives (CGQJ), lequel n’avait pas été précisément impliqué dans la collaboration apportée par la police de Vichy à la déportation des Juifs, et Michel pointait également l’insistance de Joly à gommer la distinction opérée par le CGQJ de la période Vallat entre juifs étrangers et juifs français. Cela n’empêchait pas Michel de se référer à plusieurs reprises aux travaux de Joly.

L’unique recension de l’ouvrage d’Alain Michel fut publiée en anglais dans les très sérieuses Yad Vashem Studies (Vol 41:1, 2013), et c’est Laurent Joly qui s’y colla et commit un copieux article de seize pages. Tout en relevant qu’une partie de l’argumentaire de Michel reprenait celui des dirigeants de Vichy lorsqu’ils avaient eu à rendre des comptes devant les tribunaux, Joly acte que l’ouvrage de Michel ne vise pas une réhabilitation de Vichy et que l’historien apporte à la connaissance du public des archives inédites.

Joly reconnait également qu’il s’était effectivement développé dans les années 1990 un discours dominant simpliste et manichéen qui ne cadrait pas nécessairement avec les faits observés par les historiens. Toujours d’après Joly, Paxton et d’autres historiens se sont effectivement livrés à de gros excès pendant la période 1980-2000 mais ceci est compréhensible, explique-t-il, dans le contexte très particulier de cette période où l’on s’apprêtait à juger les Legay, Bousquet et Papon et où les historiens, face à une demande émanant des cours d’assises, durent surtout mettre en avant les aspects criminels du régime de Vichy pour donner du grain à moudre aux procureurs.

Abordant les prémisses des thèses de Michel selon lesquelles une doxa klarsfeldo-paxtonienne se serait cristallisée, étanche à toute remise en cause, Joly répond : oui, il y a sans doute une doxa, mais celle-ci, loin d’être figée, évolue au gré des contributions des uns et des autres et notamment des siennes.

Cette doxa mise à jour, Joly l’énonce en conclusion : Le rôle de Vichy dans la déportation des Juifs doit être vu comme une politique de collaboration et non de sauvetage. Si l’on voulait considérer que Vichy a été l’un des déterminants du sauvetage des 225000 juifs survivants, il aurait fallu que l’État français se soit distingué des autres États, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, qui ont collaboré à la politique génocidaire et qu’il se soit par conséquent préoccupé du destin des étrangers aussi bien que de celui des Français. Et Joly de conclure :«Le principal crime de Vichy est d’avoir piétiné les principes les plus élémentaires du droit d’asile, qui, malgré la guerre qui faisait rage partout et le contexte de l’Occupation, aurait pu être défendu au nom de l’honneur et des valeurs chrétiennes s’il n’avait pas mené prioritairement une politique de régénération nationale et de collaboration. »

5 ans plus tard, l’heure du match retour a sonné avec la recension par Alain Michel du dernier livre de Laurent Joly « L’État contre les juifs ».

https://www.herodote.net/L_etat_contre_les_juifs-bibliographie-63

et la réponse de Laurent Joly

https://www.herodote.net/articles/article.php?ID=1756

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