Viombois 4 septembre 1944 : écritures, mythe et Histoire

Par Jean-Michel Adenot (membre associé de l’HSCO)

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Ouvrage à paraître en novembre 2016

La citation : « L’Histoire est du vrai qui se déforme et la Légende du faux qui s’incarne » Jean COCTEAU

4ème de couverture :

Que s’est-il passé réellement à Viombois le 4 septembre 1944 ? D’après le témoignage du mythique chef de la 1ère centurie René RICATTE alias lieutenant JEAN-SERGE, les maquisards mal armés, confrontés à 2 000 Allemands aguerris « luttèrent à 1 contre 10, ils eurent 57 tués. Les Allemands battirent en retraite laissant plus de 130 morts sur le terrain ». Toutefois cette date allait aussi sonner la fin du projet grandiose de la Résistance Alsacienne, la mobilisation de près de 1 000 hommes attendant en vain un grand parachutage avant d’aller occuper les cols vosgiens et de libérer les camps de concentration de Schirmeck et du Struthof. Viombois, un tournant décisif pour les FFI d’Alsace ?

La consultation des archives -enfin ouvertes- apporte un regard très différent tant sur le fonctionnement de la Résistance Alsacienne que sur l’écriture d’un événement qui privilégiait jusqu’à présent la Mémoire sur la rigueur historique. Paul DUNGLER, créateur du réseau des Forces Françaises Combattantes « Martial » pour Londres ou « 7ème colonne d’Alsace » pour Vichy est enfin décrypté sans passion, tout comme le basculement progressif d’une résistance largement issue du 2ème bureau de Vichy et de ses Groupes d’Auto-Défense (GAD) vers le BCRA de Londres. D’écritures en 70 ans de réécritures, la bataille de Viombois avait pris une tonalité épique qu’il convenait de confronter aux documents.

L’exemple de la bataille de Viombois, ses prémices et ses « trahisons » remises à plat nous amène plus généralement à réfléchir sur l’écriture de l’Histoire.


A priori, rien ne me destinait à remettre en cause l’Histoire officielle telle que décrite dans les quatre ouvrages publiés par René RICATTE, proche parent, ancien chef de la 1ère centurie du GMA Vosges et incontestable sauveur de la situation après plusieurs approches allemandes. Pour lui, Viombois fut sans conteste une éclatante victoire de la résistance.

Une rapide consultation de la bibliographie (ainsi que l’incontournable Google) confirme une journée de combats intenses entre 800 maquisards dont seulement 100 étaient armés et de conséquentes « formations allemandes » qui tentèrent à plusieurs reprises d’emporter la décision avant de se replier. Le bilan, précis, semble difficile à réfuter : 57 maquisards tués (tous listés sur une plaque commémorative), 134 Allemands tués et 182 blessés. Il est vrai pour ces derniers qu’aucun Allemand n’avait été identifié et qu’aucune sépulture n’avait été retrouvée. D’après les chefs de la Résistance Alsacienne, les corps auraient été évacués discrètement par camions … vers le Reich. Etrange. Aucune pièce d’archive ne vient confirmer la précision des chiffres, les différents auteurs se renvoyant la balle. Plus gênant, un ouvrage de 1946[1], « oublié », évoquait seulement une douzaine d’Allemands tués, impression confirmée par le témoignage de première main d’un ancien maquisard, Oscar GERARD, qui avoue clairement n’avoir pas vu de cadavres allemands le 4 septembre. Il a conservé l’impression d’un adversaire clairsemé et au final peu incisif. Ses affirmations, consignées dans un livre édité à compte d’auteur, ont reçu un accueil mitigé et parfois même franchement hostile.

Finalement, il ne restait « plus qu’à » … consulter les archives, ce que, bizarrement, personne n’avait pensé à faire ! Dans ces conditions, difficile pour les tenants de la doxa de déplorer dans la presse (Vosges Matin 5 septembre 2016) une « rumeur tentant de revisiter l’histoire », cette dernière n’ayant jamais été ne serait-ce que « visitée » …

Une bonne dizaine d’années d’investigations dans les cartons du SHD, des Archives Nationales et Départementales, du BVCC de Caen et surtout du Dépôt Central de Le Blanc, sans parler des archives américaines, allemandes et anglaises, fut nécessaire pour rassembler les pièces du puzzle. Mieux, des contacts féconds se sont noués avec d’autres passionnés, chercheurs amateurs ou professionnels et aussi enfants d’acteurs de la période de l’occupation.

La rédaction de ce livre d’enquête a été entamée avec l’objectif avoué de donner la première place aux documents, mis en perspectives et analysés sans complaisance. Quelques préalables se sont imposés : pour une bonne compréhension de la journée du 4 septembre 1944, il était nécessaire d’étudier tout le processus de maturation de la résistance dans la région du Donon, ce vaste massif forestier frontalier séparant l’Alsace des Vosges. En effet, jusqu’à présent, les origines de la résistance alsacienne (réseaux DUNGLER) n’avaient fait l’objet que d’études très orientées. Sont précisées ici les relations entre la 7ème colonne d’Alsace (DUNGLER) et le réseau BAREISS, issu des GAD (Groupes d’Auto-Défense, montés par les services secrets de Vichy). Pour les Vosges, les tensions entre les différents réseaux et la mainmise progressive de CDLR (Ceux De La Résistance) sont aussi détaillées. Ces regroupements tardifs et, dans le cas de l’Alsace, sans alignement inconditionnel sur Londres, n’allaient pas faciliter les parachutages d’armes ! Celles-ci arriveront, tardivement et en trop petit nombre, ainsi qu’un fort détachement du 2ème SAS et du F Phantom[2]. Dernière contrainte, le front s’enlise en Lorraine pour une « pause d’octobre » qui va durer de septembre à novembre 1944. Avec la concentration dans un périmètre réduit de toutes les polices allemandes repliées à la hâte, les ingrédients sont réunis pour une tragédie de grande ampleur. Elle surviendra.

Autre volet de l’enquête, l’historiographie ou l’étude des écritures de cette page d’Histoire, nous montre la création et les développements d’un véritable mythe, avec sa célébration commémorative, ses officiants, sa vulgate et ses menées destinées à écarter contradicteurs et concurrents éventuels. De ce point de vue, les discordes entre plusieurs acteurs-mémorialistes éclairent les combats mémoriels qui en toute discrétion -surtout ne pas nuire à l’image de la Résistance- ont empoisonné et déchiré les survivants !

Bref, Viombois 4 septembre 1944, écritures mythe et Histoire est une plongée dans l’univers compliqué de la période de guerre … et des combats mémoriels des 70 années qui suivirent.

jean-michel-adenot

L’auteur … et le site : www.viombois.webnode.fr

[1] Affaire dans l’affaire, ce livre a été rédigé par Jean-Marie GEOFFROY, probablement dernier survivant des créateurs de réseaux de renseignement homologués FFC (équivalent de REMY ou de DUNGLER), décédé dans l’indifférence générale en juillet 2016 !

[2] Le 2ème SAS (Special Air Service) est un régiment des services spéciaux britanniques, le F Phantom assure les transmissions.

 

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1 réponse à Viombois 4 septembre 1944 : écritures, mythe et Histoire

  1. Devoir de Mémoire, oui. Mais mémoire de faits précis. Merci à l’auteur de cette nécessaire « remise d’équerre » de ceux ci

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