Sans la police parisienne la rafle du Vel d’Hiv ne pouvait être organisée

La question de la responsabilité est bien entendu complexe

ALAIN MICHEL EN CONFERENCE

Alain MICHEL en conférence / Photo Par Thiranos — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18864724

Par Alain MICHEL, Historien, rabbin

D’une manière très étrange, la rafle du Vel d’Hiv est entrée dans la mémoire collective française comme le symbole par excellence de la culpabilité du gouvernement de Vichy et de sa participation à l’application de la Solution finale. Peu importe la réalité, complexe, de cette période de l’histoire : c’est un véritable culte aux morts qui est rendu, une fixation de la mémoire, un objet politico-historique auquel, depuis sa “canonisation” officielle par Jacques Chirac en 1995, il est absolument interdit de toucher. Il s’agit là d’une instrumentalisation de l’histoire qui, même si elle se met en place avec les meilleures intentions du monde, n’en reste pas moins opposée à une saine conception de l’élaboration du passé. Or l’histoire, quand elle ne se fait pas négation de la réalité, doit rester libre, indépendante de telles circonstances temporelles qui ont amené à fixer une certaine interprétation de l’événement ; indépendante surtout du monde politique dont les intérêts sont loin d’être des intérêts de recherche de vérité, ou même d’hommage sincère aux victimes.

Est-ce à dire que Marine Le Pen aurait raison lorsqu’elle déclare que “la France n’est pas responsable du Vel d’Hiv” ? Rien n’est moins sûr, car tout dépend du contenu que l’on donne aux mots “France” et “responsable”. Certes, il serait ridicule d’accuser la France de 2017 d’être responsable d’un événement tragique qui s’est déroulé il y a 75 ans, mais la France en tant qu’entité historique, en tant que continuum de l’histoire, a une responsabilité de transmission de son histoire sous tous ses aspects, positifs comme négatifs. De Gaulle avait tort : la vraie France, la France Eternelle, n’existe qu’à condition qu’elle assume son passé dans son intégralité, avec les questions et les remises en cause que les historiens doivent apporter pour continuer à façonner l’image de ce passé global.

La question de la responsabilité est bien entendu, plus complexe. Si par “responsable” on entend “initiateur, programmateur, organisateur”, alors non, la Rafle du Vel d’Hiv ne s’est pas déroulée sous responsabilité française. Les Allemands ont décidé la rafle avant, ont programmé son organisation, et ont pris les décisions après, celles qui ont amené à la déportation et à l’assassinat de 13.000 Juifs, hommes, femmes et enfants, pour la plupart étrangers. Par contre si être responsable, ce que je crois, c’est accomplir, même sur ordre, les actes qui ont permis ces arrestations et leurs conséquences, alors, oui, la police de Vichy et le gouvernement ont une part de la responsabilité, même si elle n’est pas la principale. Sans la police parisienne la rafle ne pouvait être organisée, mais sans la volonté et les décisions allemandes la police française n’aurait jamais commis ces arrestations.

Est-ce à dire que la France de Vichy n’a qu’une responsabilité limitée? Oui si on se focalise sur ce qui se passe à Paris en juillet 1942, non si on élargit notre champ de vision en considérant les arrestations et les déportations d’août 1942 en zone libre, où là l’initiative comme la réalisation sont françaises, même si elle se déroule en liaison avec les Allemands. Or, pour paraphraser le début de ce texte, de manière très étrange la rafle de zone Sud a disparu de la mémoire collective française, alors qu’elle est la réalité par excellence de la culpabilité du gouvernement de Vichy et de sa participation à l’application de la solution finale. Comme quoi, dans la mémoire collective également, un train peut en cacher un autre.

Dernier ouvrage : Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français, deuxième édition, Elkana 2015.

Article paru dans :

http://www.huffingtonpost.fr/alain-michel/responsabilite-vel-dhiv-vichy_a_22033834/

ALAIN MICHEL LIVRE VIENT DE PARAITRE

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